Weil ich es immer schön finde, etwas in der Originalsprache zu lesen und weil ich die französische Version noch habe, hier das ungekürzte Interview mit Yasmina Khadra:

derStandard.at: Dans vos livres vous avez décrit la situation en Algérie quand les intégristes sont devenus de plus en plus fort. Est-ce que la situation a changé depuis ?

Khadra : La situation a considérablement changé, mais le mal n’est pas éradiqué. L’Algérie est encore convalescente, et les traumatismes subis durant la décennie noire continuent de la hanter. Certes, les Islamistes ont perdu toute crédibilité tant sur le plan idéologique que révolutionnaire. Pour le commun des Algériens les terroristes ne sont que des mercenaires au service d’on ne sait quelle diablerie.

Sur le plan politique, des partis islamistes modérés s’activent, mais le peuple algérien ne croit plus en leur discours. Ce que les Algériens attendent est une relance économique dynamique et ambitieuse. Nos jeunes rêvent d’un travail respectable et d’une vie décente.

Dans la fièvre post-traumatique que connaît le pays aujourd’hui, tout est permis : l’espoir comme le renoncement. Il nous reste à combattre la corruption qui s’est terriblement élargie à l’ensemble des rouages de la fonction publique et à privilégier la compétence contre le clientélisme et le nepotisme.

derStandard.at: Qui soutient les terroristes ? Et qui c´est qui soutient les intégristes ? Ou est-ce que ce sont les mêmes groupes ?

Khadra: Les terroristes sont soutenus par El Qaïda sur le plan international. Ils bénéficient de son impact médiatique et de ses réseaux de propagande. Sur le plan financier, ils vivent de racket, de rapt, de chantage et de trafic de drogue. Leur butin de guerre est aussi réinjecté dans une vaste opération de blanchiment d’argent : investissement dans la téléphonie, le concessionnarat, l’immobilier et l’import-export.

Avec les années, ils ont acquis une expérience considérable dans la gestion de leurs affaires grâce à laquelle ils assurent une autonomie aussi bien logistique que militaire puisqu’ils ont constitué aussi des réseaux d’acheminement d’armes de guerre.

derStandard.at: Beaucoup de gens disent que le terrorisme peut être un moyen de guerre de libération. Qu´en pensez vous ?

Khadra: Libération de quoi ? Je pense que le terrorisme profite beaucoup plus à l’Occident qu’aux musulmans. Depuis quelques années, je ne regarde plus les choses comme avant. Ce qui se passe en Irak est tellement absurde que je suis arrivé à penser que des forces extra-irakiennes profitent du chaos pour sévir en toute impunité.

Les enjeux sont énormes, et les capitaux occidentaux trouvent dans cette guerre une bourse inestimable. Je ne crois pas beaucoup à la théorie américaine, à savoir la démocratie et autres sottises de la charité chrétienne. J’ai été très clair là-dessus dans mon roman „Les sirènes de Bagdad“.

derStandard.at: L´un des terroristes qui ont commis les attentats à Delly avait 15 ans seulement. Est-ce que c´est un nouveau développement et comment est-ce que l´on peut expliquer qu´un jeune fait une telle chose ?

Khadra: Effectivement, c’est très inquiétant. Le kamikaze intégriste était jusque-là une conception djihadiste asiatique. En Algérie, durant douze années de terrorisme, pas une fois nous n’avons eu à faire à ce genre de combat. Maintenant que des gosses, très jeunes et très fragiles, se prêtent volontiers à ce jeu de massacre, la recrudescence de la violence sous sa nouvelle forme est plus qu’alarmante.

Ce phénomène trahit le caractère jusqu’auboutiste des terroristes algériens. Et quand une guerre ne s’impose pas de limites, elle est capable d’aller plus loin que les prévisions les plus pessimistes. Je pense au Maroc et à la Tunisie, et pourquoi pas la Libye.

derStandard.at: Il y a eu plusieurs attentats récemment, est-ce que l´on doit s´attendre à une multiplication des attentats ? Ou est-ce que c´est une fausse impression de l´extérieur ?

Khadra : Avec le terrorisme, il faut s’attendre à tout. C’est une pochette cancéreuse extrêmement vorace qui débouche obligatoirement sur une métastase foudroyante. Apparemment, l’Occident n’a pas encore compris la menace que cela représente.

derStandard.at: Dans « A quoi rêvent les loups » et « Les agneaux du Seigneur » vous décrivez des personnages qui finissent par devenir terroristes. Quelles sont les raisons les plus importantes qui conduisent les gens à une telle radicalisation ?

Khadra: Il y en a des milliers. J’ai essayé d’en traiter quelques unes à travers mes romans, les raisons qui me semblent les plus importantes, mais les motivations sont multiples et parfois insoupçonnables.

Cependant il en est une dont on ne parle presque jamais: la responsabilité de l’Occident. Il est temps pour les peuples occidentaux de réagir, de mettre fin aux discours politiques alarmistes et à la désinformation médiatique qui présentent les musulmans comme des ennemis potentiels et des sauvages. Les plus grands crimes commis contre l’humanité sont exclusivement occidentaux et la barbarie s’est toujours trouvée un certain talent là où la modernité est érigée en transcendance morale et intellectuelle, voire civilisationnelle.

Pour moi, il n’y aucune différence entre Bush et Azzarkaoui. Les deux se valent et les deux s’annulent.

derStandard.at: Aussi, dans vos livres vous décrivez les mécanismes de la terreur que suscitent les terroristes. Cela m´a beaucoup rappelé de l´Allemagne des années 30 et de la stratégie des Nazis. Est-ce que vous voyez des parallèles ou est-ce que, à votre avis, cette comparaison est fausse ?

Khadra: Le Nazisme a été un choix massif et délibéré de la nation allemande, un idéal politique qui a rassemblé autour de lui toutes les forces vives du peuple et de ses institutions. Rien à voir avec le terrorisme qui est le fait d’une secte bâtarde qui s’attaque aussi bien à ses coreligionnaires qu’aux intérêts occidentaux.

La seule chose qui nous renvoie aux années 30 est la lâcheté de la communauté internationale. Comme du temps d’Adolf Hitler, la communauté internationale ferme les yeux sur ce qui se passe en Irak, en Tchétchénie et en Palestine et laisse les blessures se gangréner au risque de décomposer l’ensemble des rapports humains.

derStandard.at: Dans son travail, le commissaire Llob n´est pas seulement menacé par le terrorisme mais aussi, il y est confronté à beaucoup de corruption. Cette corruption, est-ce qu´elle est toujours si important et est-ce que le gouvernement essaye lutter contre cette corruption ?

Khadra: Comment voulez-vous que les choses s’améliorent alors que rien ne change ? La justice bafouille, l’éducation régresse, le chomage s’accentue, la paupérisation s’étend jusqu’aux couches autrefois moyennes, la prostitution est en passe de devenir un sport national. Non, la corruption s’est encore aggravée. Il est désormais question de survivre dans un pays malade d’assistanat et d’attentéisme.

Le jour où les Algériens décideront de se prendre en main et de retrousser leurs manches, alors nous pourrons espérer, petit à petit, venir à bout de tous les fléaux sociaux engendrés par un système obsolète que Bouteflika, avec toute sa bonne volonté et son savoir-faire, n’arrive pas à neutraliser.

derStandard.at: Comment jugez-vous le projet de la réconciliation initié par Bouteflika: Est-ce que ce projet est crédible ? Est-ce qu´il a déjà eu des succès ?

Khadra: Je ne crois pas en la réconciliation nationale. C’est juste un voeu pieux. Bouteflika est sincère, mais il s’adresse à des fous, des monstres, des terroristes qui ne méritent même pas qu’on leur crache dessus. Mais, en tant que citoyen, je me dois de soutenir Bouteflika dans ses engagements car il est bien seul, et il est trahi par ses propres alliés. Je partage avec lui cette réalité : rétablir l’ordre d’abord, ensuite régler les comptes… par la justice.

derStandard.at: Il parait qu´un groupe d´intégristes essaye d´etre admis comme parti politique. Une possibilité d´intégrer les intégristes ou un danger politique ?

Khadra: Les lois sont désormais claires. Les terroristes d’hier comme les terroristes d’aujourd’hui ne sont pas autorisés à consituer un parti politique. Ils ne savent même pas ce que c’est. Ce ne sont que des mercenaires qui ignorent pour qui ils meurent et tuent vraiment.